Éclairages sur les attaques menées dans le nord du Mali


Avant propos

La plupart des études, recherches et séminaires qui traitaient le phénomène de l’extrémisme violent, où ce que l’on appelle « le terrorisme » se limitaient au diagnostic de ce phénomène et à l’étude de ses causes sans accorder l’intérêt idoine à certains détails, ni se préoccuper des données du terrain, nécessaires à l’analyse des opérations menées, aux fins de afin de connaitre les circonstances de leur apparition et leurs motivations. Aussi, convient-il, aujourd’hui, de mieux appréhender l’identité et la nature des acteurs et leurs liens organisationnels, avérés ou potentiels, avec les groupes armés.

Ce sont des données importantes qui confèrent, au sujet de l’étude, un caractère novateur, éloigné des méthodes conventionnelles, applicables dans ce domaine.

Aussi, allons-nous éclairer certains déterminants qui nous permettront d’appréhender les opérations militaires menées dans la région du Sahel et en particulier, au nord du Mali.

En effet, dans cette région du nord du Mali, les mouvements extrémistes violents ont réussi à pénétrer des ethnies depuis toujours à l’abri de leur influence, telles les Touaregs, Arabes et Peuls (Fulani). Néanmoins, il a été observé dans le domaine territorial de ces groupes autochtones, des attaques armées non revendiquées et dénuées de lien à ces communautés locales.

Clarté des objectifs visés

Au cours de l’année 2015, une série d’attaques extrémistes ont eu lieu dans le nord du Mali ; le nombre total s’élevait à 146. Les opérations, tous belligérants confondus, ont couté la vie à 387 personnes, en plus de dizaines de blessés.

Les raids ont visé des cibles variées, notamment des objectifs sécuritaires, militaires ou gouvernementaux. Egalement ciblaient-ils, de manière directe, la mission de l’Organisation des Nations Unies pour le maintien de la paix au Mali (MINUSMA).

Les données statistiques disponibles montrent que les violences menées durant cette période (146 opérations) ont été soigneusement orientées pour atteindre des objectifs sécuritaires ou militaires, à la fois au niveau intérieur et extérieur (forces d’intervention).

Les opérations menées contre la MINUSMA présentent 40% de l’ensemble des attaques, soit 58 actes d’agression armée. Les autres, de même proportion et intensité, tendaient à détruire des cibles militaires et sécuritaires locales. 20%  poursuivaient des buts de nature politique et économique.

Les données disponibles montrent la clarté et la cohérence, de la préméditation, de la délibération et du passage à l’acte, chez les auteurs, mus en l’occurrence par l’idéologie ou la rétorsion.  Ainsi, 80% des attaques étaient exécutées en vue d’atteindre l’ennemi, entrainant de sérieux préjudices à la partie adverse.

Il est rare encore qu’une attaque ne se solde par des victimes, nombreuses ; les attaquants, eux, s’en sortent, dans la majorité des cas, intacts.

Une action dictée par la conviction

Les statistiques du terrain sur les opérations effectuées durant cette période, le modus operandi, leurs moyens d’exécution et les déclarations par lesquelles elles se sont soldées, révèle une particularité significative ; les analystes varient dans son interprétation et au pronostic de ses répercussions. Mais la plupart affirment que l’idée de « la guerre totale » ou de « la guerre ouverte », théorisée par les groupes extrémistes, commençait à s’infiltrer dans les esprits des jeunes de différents milieux : social, économique et tribal de cette région, dont certains, pour ne pas dire un nombre substantiel, escomptent ainsi la récompense divine promise, en retour de l’exécution des opérations qualifiées par eux d’actes djihadistes.

La grande proportion des attaques non revendiquées par aucun des groupes armés au Sahel – 137 attaques sur 146, soit le taux de 94% – confirme une tendance : ici, la violence armée n’est pas l’apanage de l’extrémisme religieux.

Ceci soulève plusieurs interrogations mais les réponses restent floues en ce qui concerne l’efficacité de ce mode, sa rigueur, le niveau de conviction et le degré de loyauté des fidèles lors du départ au combat ; des paramètres classiques, comme le désir du butin, le rapt (Kidnapping) ou de pression sur des adversaires ou concurrents semblent non mesurables pour l’instant.

Quoi qu’il en soit, la résolution de ces groupes à se soustraire à la revendication de telles attaques, n’exclut l’hypothèse du calcul par omission volontaire ; cette attitude illustre, parfois une tactique de déception. En tout état de cause, l’ampleur des attaques, leur déploiement territorial et les moyens mis en œuvre, dans un environnement d’infériorité numérique et technologique, démontrent, a posteriori, le primat de la conviction parmi les djihadistes ; ici, la solidité du moral, compense le désavantage rationnel sur le terrain et leur confère, ainsi, une posture dissuasive face à l’ennemi.

Une zone d’action étendue

L’étendue de l’espace territorial sur lequel les attaques ont été menées, l’atomisation des zones, la participation de différents groupes armés de la région du Sahel ainsi que de combattants inconnus (cas des raids non revendiquées), constituent un indicateur important de la maitrise de l’initiative, si l’on rapporte les faits de guerre aux sites de déploiement des objectifs visés.

Cet indicateur conduit à constater l’élément le plus important qui ne concerne pas les détails d’une opération, ni le niveau de sa gravité ou de sa violence, mais il renseigne, plutôt, sur la nécessité d’une solution sociale et économique, au bénéfice de la population locale.
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En effet, la réparation des torts allégués ou objectivement subis par les ethnies locales -le sous-développement de leurs régions – est de nature à stopper l’infiltration des organisations djihadistes chez eux ; l’accumulation de ces griefs et l’indifférence du monde à leur égard constitue un substrat propice au développement des organisations extrémistes.

En effet, le caractère irrédentiste ou fédéraliste de certaines revendications, notamment au nord du Mali, pourrait contribuer à la résolution envisagée et empêcher la prolifération d’organisations djihadistes. Dans les principes de ces mouvements, s’imbriquent le dogme religieux et l’intérêt, le credo et le tribal, l’international et le local. Ces éléments, bien pensés et corrélés, se prêtent  à une exploitation intelligente au service de la paix.

 

Capacité à atteindre les objectifs

Dans 121 opérations sur 146, l’on constate des pertes de vies, soit un taux global de 82% sur l’ensemble de ces actes de guerre d’où un succès avéré à identifier et à atteindre les objectifs ciblés.

L’enseignement statistique devient plus significatif encore si l’on retient que dans 93 opérations menées sur 146, aucun des auteurs de celles-ci n’a été atteint ni essuyé subi de perte visible sur le terrain ; le déséquilibre prouve, sans ambiguïté, une rigoureuse planification où la pratique du combat asymétrique joue un rôle déterminant.

 

Par ailleurs, il est curieux de relever qu’un nombre important des opérations (environ le tiers) ont été menées au début du mois (soit le premier, le 2 ou le 3), parfois à sa fin (le 30 ou le 31). Manifestement, les auteurs s’attachent à consacrer des moyens financiers pour mener leurs attaques, théoriquement au début du mois, traduisant ainsi le désir de frapper les institutions militaires et sécuritaires dont le personnel se réjouit, quand approche l’échéance des primes et salaires. Les attaques interviennent, alors, en guise de rappel à la précarité de leur vie, ainsi privée de joie et de sérénité.

Prospective d’une solution

Pour tenter de restreindre les opérations armées, de diminuer l’empathie populaire envers leurs auteurs et les isoler des sources de soutien matériel et moral, il conviendrait d’adopter une stratégie fiable qui tiendrait compte d’un diagnostic minutieux de la situation et élaborerait, alors, des solutions sûres.

Les grandes lignes de cette stratégie reposent sur les éléments suivants : d’abord cibler les jeunes endoctrinés par les groupes armés et ouvrir un dialogue sans tabou, un débat intellectuel et doctrinal, parmi les instances religieuses et en direction des ouailles, afin de dépasser les figures de référence dans le domaine djihadiste.

Il y a lieu d’aborder, d’emblée, la question du «  terrorisme » pour remédier aux carences et traiter les déséquilibres existants. In fine, le défi consiste à garantir, au plus haut niveau possible, le respect de la légalité et de l’équité pour redonner sens au processus de transition des peuples de la région, vers la démocratie et l’Etat de droit.

La stratégie d’endiguement, sous peine de tourner à vide dans le circuit habituel du détournement des ressources, devra dépasser l’étape du diagnostic et s’aventurer sur le périmètre des propositions réalistes. Celles-ci sollicitent l’apport conjugué des experts, des collectivités locales, des hommes sécurité, voire des victimes et djihadistes « repentis ». Il est urgent de se risquer à la prospective, avantager l’anticipation ; pour environ 90% des cas observés, les données du terrain ont montré l’absence des solutions à leur égard ; l’action entreprise se limite, souvent, à la phase de théorisation, loin de la réalité et en opposition avec l’efficacité.

 

Mohamed Abba OULD SIDI OULD JEILANY

Président de Sahel Expertise et Conseils Aout 2016

 

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